Deux informations importantes à retenir du Rapport annuel sur le contrôle des investissements étrangers en France en 2022

Concurrence et distribution

Le 22 mai 2023 Par Jérémy BERNARD

Publié le 9 mai 2023, le Rapport annuel sur le contrôle des investissements étrangers en France en 2022 mentionne deux informations importantes. D’une part il présente la procédure de sanction en cas de manquement aux règles de contrôle des investissements étrangers en France, ce qui laisserait à penser que le Trésor français pourrait réfléchir à ouvrir des enquêtes en la matière, et d’autre part, il annonce que l’abaissement temporaire, institué à raison de l’épidémie de COVID-19, à 10 pourcents des droits de vote d’une société française cotée du seuil dont le franchissement déclenche l’application de ce contrôle va être pérennisé.

  1. Le 9 mai 2023, la Direction générale du Trésor a publié son Rapport annuel d’activité sur le contrôle des investissements étrangers en France en 2022. Pour mémoire, cette administration est responsable, sous l’autorité du ministre chargé de l’économie, de la mise en œuvre de ce contrôle en instruisant les demandes d’autorisation d’un investissement étranger ou d’avis préalable sur le caractère contrôlable d’un tel investissement (encore appelé rescrit), animant le Comité interministériel des investissements étrangers en France et enquêtant sur les possibles manquements aux règles de contrôle des investissements étrangers.
  2. Outres d’intéressantes informations statistiques sur la pratique du contrôle des investissements étrangers en France et le bilan que Messieurs Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Emmanuel Moulin, Directeur général du Trésor, tirent de l’année 2022 dans ce domaine, ce rapport annuel d’activité contient deux informations importantes méritant d’être détaillées ci-après.
  3. En premier lieu, le Rapport annuel d’activité sur le contrôle des investissements étrangers en France en 2022 comporte à sa page 16 un schéma présentant la procédure de sanction en cas de manquement aux règles de ce contrôle. Quatre manquements sont visés dans ce schéma :
    • la réalisation d’un investissement sans autorisation ;
    • l’irrespect de toute ou partie des conditions posées à une autorisation ;
    • l’inexécution totale ou partielle d’une injonction du ministre chargé de l’économie ; et
    • l’obtention d’une autorisation par fraude.
  4. Or, le Rapport annuel d’activité sur le contrôle des investissements étrangers en France en 2021 ne faisait pas mention de l’existence de sanctions ou d’une procédure de sanction. Le fait d’y faire référence dans le rapport annuel d’activité pour 2022 pourrait laisser à penser que le Trésor envisagerait d’ouvrir une ou plusieurs enquêtes sur de possibles manquements aux règles de contrôle des investissements étrangers en France.
  5. Pour mémoire, les sanctions en cas de manquement aux règles de contrôle des investissements étrangers en France sont lourdes et de 3 ordres, lesquels peuvent être cumulativement appliqués à un même manquement :
    • la nullité automatique des engagements, contrats et/ou clauses contractuelles permettant directement ou indirectement la réalisation de l’investissement concerné (Code monétaire et financier, art. L. 151-4) ;
    • des sanctions administratives imposées par le ministre chargé de l’économie après enquête contradictoire menée par le Trésor (Code monétaire et financier, art. L. 151-3-1 et L. 151-3-2), à savoir :
      • une injonction, au besoin sous astreinte, aux fins de présentation d’une demande d’autorisation pour régularisation de la situation, de modification de l’investissement concerné ou de rétablissement du statu quo ante aux frais de l’auteur du manquement ; et
      • une sanction financière dont le montant ne peut excéder la plus élevée des sommes suivantes : le double du montant de l’investissement concerné, 10 pourcents du chiffre d’affaires consolidé mondial de la cible ou un million d’euros si l’auteur est une personne physique et 5 millions d’euros s’il est une personne morale ;
    • des sanctions pénales prononcées par les juridictions après enquête, voir instruction pénale (Code des douanes, art. 459, para. 1), à savoir :
      • une peine d’emprisonnement d’au plus 5 années ;
      • la confiscation de l’investissement concerné et des profits directs et indirects générés par lui ; et
      • une amende dont le montant est compris entre celui de la somme objet du manquement et le double de celui-ci.
  6. En second lieu, le Rapport annuel d’activité sur le contrôle des investissements étrangers en France en 2022 précise en page 17 que le seuil temporaire de détention de 10 pourcents des droits de vote déclenchant ce contrôle va devenir permanent.
  7. Pour mémoire, tombent dans le champ d’application du contrôle des investissements étrangers en France les trois types investissements suivants (Code monétaire et financier, art. R. 151-2, al. 1er) :
    • l’acquisition du contrôle d’une entité de droit français ;
    • celle de toute ou partie d’une branche d’activité d’une entité de droit français ; ou
    • le franchissement, directement ou indirectement, seul ou de concert, d’un seuil de détention de 25 pourcents des droits de vote dans une entité de droit français.
  8. En juillet 2020 et à raison de l’épidémie de COVID-19, ce seuil de 25 pourcents a été temporairement abaissé à 10 pourcents jusqu’au 31 décembre suivant. Le seuil réduit de 10 pourcents ne s’applique qu’aux opérations relevant du contrôle des investissements étrangers en France, réalisées par une personne physique ou morale ne ressortissant pas d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen et ayant pour cible une société française cotée (Décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 relatif à l’abaissement temporaire du seuil de contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, art 1er). Il conduit à la mise en œuvre par le Trésor d’une procédure sommaire de contrôle.
  9. L’abaissement à 10 pourcents du seuil de détention des droits de vote dans une société française cotée a été reconduit pour les années 2021, 2022 et 2023 et devait normalement cesser de s’appliquer le 31 décembre prochain (Décret n° 2022-1622 du 23 décembre 2022 relatif à l’abaissement temporaire du seuil de contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, art 1er). Le 3 janvier dernier, le ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique avait indiqué qu’il souhaitait voir cet abaissement pérennisé. Le Rapport annuel d’activité sur le contrôle des investissements étrangers en France en 2022 confirme qu’il devrait l’être selon des modalités restant encore à définir au jour de la présente communication.
Jérémy Bernard
Jérémy BERNARD Avocat associé

Nos derniers articles