Crowdfunding : Foule moins sentimentale contre soif d’idéal juridique
Le 9 décembre 2014 Par Benoît LAFOURCADE
A la mode depuis le début des années 2010 avec l’essor des transactions sur internet, le financement participatif a pour principal atout de permettre aux particuliers de participer au financement des entreprises qu’ils choisissent.
Les entreprises peuvent alors présenter leurs projets sur de nombreuses plates-formes de financement participatif. On dénombre aujourd’hui une trentaine de plates-formes françaises, pour 500 plates-formes dans le monde.
Bien que ces plates-formes possèdent la même finalité (le financement de l’entreprise ou d’un projet particulier), les modalités juridiques de ces opérations diffèrent grandement en fonction du type de financement retenu.
Il existe ainsi trois principales formes de financement participatif :
- Le don d’une somme d’argent (crowdgiving). Cette méthode est la plus utilisée, le particulier donne une somme d’argent et reçoit en échange, en fonction du montant donné, un cadeau de la part de l’entreprise financée (citation de cette personne dans l’œuvre, objets dédicacés ou personnalisés, possibilité d’obtenir en avant-première certaines informations, etc.) ;
- Le prêt d’une somme d’argent (crowdlending). Dans ce cadre, la personne prête une somme d’argent qui lui sera remboursée, par principe, lorsque le projet sera commercialisé ;
- L’apport en société (crowdfunding). Cette méthode de financement, au départ confidentielle, connait depuis quelques années un essor considérable.
De toutes ces formes de financement, l’apport en société constitue à n’en pas douter le mécanisme le plus complexe.
Le crowdfunding a pour principal intérêt de permettre aux participants de passer d’un statut de philanthrope à un statut d’investisseur.
Cette méthode permet de participer au financement de projets de plus en plus atypique (voir notre intervention dans les pages du figaro économie au sujet du rachat d’une partie de l’aéroport de Toulouse-Blagnac).
C’est pourquoi, devant l’augmentation du volume et du montant des transactions réalisées grâce à ce mécanisme, le Gouvernement a décidé de réglementer cette activité (pour plus de détails, voir notre article synthétisant les évolutions apportées par l’ordonnance de mai 2014).
L’ordonnance a notamment prévu des modalités particulières de respect de certaines exigences statutaires en ce qui concerne les droits de vote, la répartition des compétences, de quorum et de majorité des assemblées générales ordinaires et extraordinaires et les règles d’organisation des assemblées générales (art. 13 et 14).
Toutefois, l’ordonnance ne répond pas à certaines questions fondamentales.
D’une part, comment s’assurer de la validité même du contrat de société ? Il est en effet nécessaire que ce contrat réponde aux conditions posées par le Code civil (capacité, objet, cause et consentement). Si l’une de ces conditions venait à ne pas être réunie, le contrat de société serait annulé.
Il est donc indispensable que l’investisseur soit pleinement informé des conséquences de sa participation, ce qui implique que la plate-forme de financement tienne à sa disposition une documentation particulièrement claire et précise, ce qui est encore loin d’être le cas.
D’autre part, sous quelle forme doit se faire cette prise de participation ? L’investisseur obtient-il des participations directement dans la société qu’il a décidé de financer, ou obtient-il des participations dans une société holding qui se chargera de réaliser l’opération d’achat des titres de la société à financer ? Ces différents types de situation auront un effet direct sur les droits pécuniaires et politiques du participant, qu’il convient de déterminer bien avant la phase de levée de fonds afin que celui-ci soit pleinement informé des conséquences de son investissement.
En tout état de cause, le crowdfunding ne paraît pas aujourd’hui juridiquement mature et nécessite un encadrement juridique renforcé afin d’exprimer pleinement son potentiel.
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