#analysejurisprudentielle – Police municipale et surfeurs, où se situe le point de rupture* ?

Droit public et environnement

Le 9 septembre 2022 Par Philippe RIGNAULT

Collectivités locales | Maire | Pouvoir de police | Point break  | Surf

Une commune peut-elle soumettre à autorisation l’enseignement du surf sur ses plages ? Un tribunal décide que si les pouvoirs de police du maire lui permettent de réglementer les baignades et les activités nautiques, ils ne lui confèrent pas le pouvoir de subordonner l’enseignement de la pratique du surf à la délivrance préalable d’une autorisation. Par suite, la procédure mise en place en vue de sélectionner des écoles de surf autorisées à enseigner cette pratique est illégale, tout comme le refus d’autorisation opposé au candidat non retenu à l’issue de la procédure.

Une commune du littoral aquitain a décidé de lancer une consultation pour « l’attribution d’autorisations d’enseignement de la pratique du surf sur les plages océanes appartenant au domaine public maritime de la commune », portant sur « 18 autorisations… dans la limite… de 60 moniteurs présents simultanément sur un espace de 4,5 km », zone en dehors de laquelle l’exercice de cette activité d’enseignement demeurait libre.

Un moniteur, candidat évincé à l’issue de la procédure, a contesté la décision du maire de la commune l’informant du rejet de sa candidature devant le tribunal administratif.

Le tribunal décide que la procédure de sélection des « écoles de surf » initiée par le maire est illégale et annule la décision refusant au requérant de l’autoriser à enseigner le surf sur les plages concernées (TA Bordeaux, 28 oct. 2021, M. A., n° 2000188, consultable ici : http://jurista33.fr/dotclear/index.php/?post/2021/11/03/Pouvoirs-de-police-du-maire.)

Police (du maire) et surfeurs, un point de rupture* contentieux. Le tribunal commence par rappeler les dispositions de l’article L. 2213-3 du code général des collectivités territoriales, selon lesquelles « La police municipale des communes riveraines de la mer s’exerce sur le rivage de la mer jusqu’à la limite des eaux », celles de l’article L. 2213-23 du même code qui prévoient que « Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s’exerce en mer jusqu’à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. / Le maire réglemente l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. / Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. (…) », ainsi que celles de l’article L. 321-9 du code de l’environnement qui énoncent que « L’accès des piétons aux plages est libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de protection de l’environnement nécessitent des dispositions particulières ».

Or, selon le juge, « si le maire tient des dispositions précitées de l’article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales des pouvoirs de police spéciale visant à réglementer les baignades et les activités nautiques, ce texte ne lui donne en revanche nullement le pouvoir de subordonner ces dernières, et notamment l’activité d’enseignement de la pratique du surf, à la délivrance préalable d’une autorisation ». Il ajoute que « ni les pouvoirs de police générale [que le maire] tient de l’article L. 2213-3 du même code, ni les dispositions de l’article L. 321-9 du code de l’environnement, ne lui permettent davantage d’instituer légalement un tel régime d’autorisation préalable ».

“Laisse-moi juste une vague”*. A l’instar de la supplique finale de Bodhi Salver à l’agent Johnny Utah, le moniteur requérant — dont le tribunal souligne la longue pratique de l’enseignement du surf sur le territoire de la commune — ne demande qu’à exercer en liberté son activité sur l’océan et les plages de la commune. En effet, son activité ne méconnait aucun impératif de sécurité ou de protection de l’environnement, ni aucune des mesures prises par le maire au titre de la police des baignades et des activités nautiques. Ainsi, la procédure de sélection des écoles d’enseignement du surf mise en place par le maire étant illégale, la décision qui en découle refusant d’autoriser le requérant à exercer son activité sur les plages concernées l’est également.

*Point Break, de Kathryn Bigelow

 

 

Philippe Rignault
Philippe RIGNAULT Avocat associé

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